Il existe une corrélation illusoire quand on perçoit une relation entre deux événements alors qu’il n’en existe aucune. En matière de perception du risque, ce biais nous amène souvent à croire que si un événement précède très légèrement un autre, alors le premier est la source du second. Notre propension naturelle est en effet de chercher la cause d’un accident, d’une maladie, d’un dommage corporel ou matériel quelconque dans des événements qui lui sont contemporains ou de peu antérieurs. C’est la confusion entre coïncidence et causalité qui est ici à la source du biais, de la mauvaise interprétation des choses.
Il suffit pourtant de réfléchir à quelques exemples bien choisis pour comprendre que la (quasi) simultanéité de deux phénomènes n’est16 pas toujours la preuve que l’un est la cause de l’autre. Ainsi, même si je constate que les automobilistes mettent en marche leurs essuie-glace dans le même temps que les piétons ouvrent leur parapluie, il ne me viendrait pas à l’esprit de penser que c’est pour se protéger des parapluies des piétons que les automobilistes déclenchent le balayage de leur pare-brise. Ou l’inverse. Si ces deux phénomènes sont concomitants, c’est tout simplement qu’ils possèdent une cause commune : la pluie. De même, on peut relever que, tout au long du XXe siècle et le début du suivant, la teneur en gaz carbonique dans l’air et l’espérance de vie des humains ont tous deux progressé dans le même sens et à un rythme voisin, pourtant peu de personnes se hasarderaient à affirmer que l’évolution de l’une est la cause de l’autre. Il existe bien une relation entre les deux évolutions, mais elle n’est pas directe. Là aussi, un troisième phénomène – le développement des sciences et des industries – les a simultanément provoqués (cf. Guillaume Blanc, 2018)[1]. D’ailleurs, demain, la poursuite de la production industrielle hautement polluante peut amener à ce que la présence accrue de dioxyde de carbone dans l’atmosphère et l’espérance de vie des populations se mettent à évoluer en sens contraire, la première vers le haut, la seconde vers le bas.
L’illusion de corrélation trouve peut-être son origine dans le fait qu’au cours de l’évolution de l’espèce humaine il a pu être avantageux de relier des phénomènes simultanés et d’interpréter de manière alarmiste tout signe potentiellement inquiétant. Fuir au moindre bruissement dans les herbes, au moindre craquement dans le sous-bois, le faire sans attendre que le danger soit confirmé pouvait vous sauver la vie. Au contraire, vous en abstenir vous mettait sous la menace de finir votre vie dévoré par un prédateur ou transpercé par la lance d’un ennemi. Mieux valait détecter un faux danger qu’en négliger un vrai, et mettre une causalité là où il n’y en potentiellement pas était une bonne option. L’individu qui adoptait le premier comportement survivait plus fréquemment – et avait donc plus de chances de transmettre ses gènes – que celui qui adoptait le second. Il n’est donc pas absurde de supposer que les mécanismes de la sélection naturelle aient travaillé à nous pourvoir du biais de corrélation illusoire.
Cette tendance, face à deux événements quasi simultanés, à voir l’un comme la cause de l’autre peut par exemple expliquer que les personnes déjà dotées de réticences face à la vaccination la soupçonnent volontiers de posséder des effets secondaires graves. Spontanément, elles voient dans la prise du vaccin la cause de toute maladie ou décès la suivant de près. Il n’est pas facile de comparer le taux d’incidence des maladies et décès des personnes vaccinées et celui des personnes qui ne le sont pas, or seule une différence significative entre les deux taux permet de faire apparaitre une éventuelle responsabilité du vaccin dans les accidents de santé. Et même quand les épidémiologistes, dont c’est le métier de faire ces comparaisons, montrent que le bénéfice est nettement en faveur des vaccinés, ils peinent à lutter contre l’illusion de causalité et à convaincre les antivax. Ces derniers restent sur leur sentiment de méfiance et empêchent la société d’atteindre une bonne couverture vaccinale et l’immunité collective qui va avec (cf. les notices « biais d’ancrage » et « vaccin »).