On dit que les habitants d’un territoire soumis à un risque majeur possèdent une bonne culture du risque quand ils ont une compréhension approfondie de ce qui les menace et de la façon dont ils doivent agir pour se protéger. Ils sont supposés bien connaître l’aléa qui menace leur personne et leurs biens, la façon particulière dont il peut survenir sur leur territoire. Par exemple, si leur environnement est soumis au risque d’inondation fluviale ou à la submersion marine, ils doivent en connaitre les différentes intensités et dynamiques et savoir quelle attitude adopter pour chacune d’elles.
Les gestionnaires du risque estiment qu’il existe une vraie culture du risque dans un territoire quand la plupart des habitants sont capables d’adopter les bons comportements quand surgit le danger. Pour ces gestionnaires, c’est aux citoyens d’être les principaux acteurs de leur sécurité, et seule une culture du risque partagée permet de diminuer les vulnérabilités individuelles et collectives. Elle aide le territoire à traverser avec le moins de dégâts possibles – surtout humains – les épisodes de crise causés par les aléas qui le caractérisent.
Si l’on prend de nouveau l’exemple de l’inondation ou de la submersion, les habitants qui possèdent une bonne culture du risque se préparent et préparent leur habitation en amont de la montée des eaux. De surcroit, ils apprennent les bons comportements à avoir quand celle-ci arrivera. Les prises électriques sont installées en hauteur, des batardeaux préparés pour les portes extérieures, des fenêtres de toit installées pour les maisons de plain-pied, etc. Par ailleurs, lors de l’événement, les gestes et attitudes des habitants seront surtout régies par des automatismes : ne pas tenter de fuir en voiture, ne pas aller chercher les enfants à l’école, se réfugier dans les étages supérieurs ou sur le toit, utiliser une radio à piles pour pouvoir écouter les consignes même en cas de coupure d’électricité, etc.
Pour constituer et entretenir une bonne culture du risque, les gestionnaires du risque doivent régulièrement organiser des campagnes d’information et des exercices d’alerte à destination des habitants. Si leur récurrence est nécessaire, c’est d’abord que les souvenirs connaissent une érosion et doivent donc être constamment rafraichis, ensuite que la population d’un territoire n’est pas stable, qu’elle évolue au fil des décennies, du fait du renouvellement des générations et de la mobilité résidentielle (Blésius, 2013)[1].
La loi du 22 juillet 1987 est une étape importante dans la volonté de l’Etat de constituer une culture du risque. Son décret d’application fait en effet obligation aux communes situées en zone à risques majeurs de donner au public – essentiellement par affiches – une information sur ce qui les menace. Cette information doit comprendre « la description des risques et de leurs conséquences prévisibles pour les personnes, les biens et l’environnement, ainsi que l’exposé des mesures de prévention et de sauvegarde prévues pour limiter leurs effets » (décret d’application de la loi du 11 octobre 1990).
Plus tard, la loi du 30 juillet 2003 « relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommage », dite loi Bachelot (du nom de la ministre de l’écologie et du développement durable de l’époque), vient renforcer cette obligation d’informer. Les acquéreurs ou locataires d’un bien immobilier doivent désormais être avisés des différents risques qu’ils encourent. De plus, dans les communes dotées d’un Plan de prévention des risques (PPR), des réunions d’information de la population doivent être organisées au minimum tous les deux ans.
En dehors du domaine des risques territoriaux dont la gestion est aujourd’hui assez bien encadrée par la loi, la culture du risque reste une réalité contrastée dans la société. Si elle est présente et possède des contours bien définis au sein de la plupart des grandes entreprises, elle constitue une réalité plutôt floue dans le reste de la société. Chaque groupe social a en effet une idée différente de ce qu’elle est et devrait être. Comme pour bien d’autres domaines de la vie sociale, la culture du risque d’un groupe professionnel, culturel ou géographique particulier repose sur un ensemble de normes, représentations et croyances commun à ses membres. C’est ce qu’expliquent Bernard Cadet et Dongo Rémi Kouabénan (2005) : « Par le biais des interactions et du partage des expériences, les individus, membres d’un même groupe ou d’une même communauté, finissent par élaborer une culture commune du risque. »
Précisons pour terminer que l’expression même de culture du risque est contestée par bien des chercheurs et gestionnaires publics ou privés de différents risques. Ils lui préfèrent souvent celle de culture de la sécurité. C’est particulièrement vrai dans le domaine de la sécurité routière, car, comme le fait remarquer Pierre Vidal-Naquet[2], « [l’]aversion pour l’accident est trop forte pour que la notion de culture du risque soit employée dans le domaine de la sécurité routière. Symboliquement, un tel usage serait plutôt le signe d’un renoncement. » (2001, p.7). Il en est de même en matière de risque sanitaire, et ce même si la crise de la Covid-19 a pu faire évoluer les choses. Au final, l’expression culture du risque s’applique presqu’exclusivement aux risques ayant une forte dimension territoriale, ceux pour lesquels les résidents et usagers d’un espace sous emprise d’une ou plusieurs menaces identifiées sont sensés bien le ou les connaître et savoir comment se comporter en cas de catastrophe ou d’accident. Parmi ces risques, il en est des naturels, comme les tsunamis, les éruptions volcaniques, les séismes ou les inondations, mais aussi des technologiques, comme ceux liés à la présence d’une industrie classée Seveso ou d’une centrale nucléaire. Hors de ces domaines spécifiques, on préfère généralement parler de culture de la sécurité que de culture du risque, pour favoriser l’acculturation des usagers ou habitants aux dangers encourus et l’apprentissage des attitudes de prévention et de sauvegarde.   

[1] Jean-Christophe Blesius, « Discours sur la culture du risque, entre approches négative et positive. Vers une éducation aux risques ? », Géographie et cultures [En ligne], 88 | 2013, mis en ligne le 10 juillet 2015, consulté le 21 février 2023. URL : http://journals.openedition.org/gc/3141 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.3141
[2] Pierre Vidal-Naquet, 2001, Inondations et culture du risque Septembre, Lyon, CERPE. https://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/docs/Temis/0072/Temis-0072845/RCPVS01-004.pdf