Le concept de dissonance cognitive a été théorisé par le psychologue américain Léon Festinguer[1] et peut être défini comme l’existence d’une divergence forte entre ce qu’un individu croit ou sait (attitude) et ce qu’il fait (comportement). Par exemple, il sait que conduire en état d’imprégnation alcoolique provoque des accidents, et pourtant il lui arrive de prendre le volant en état d’ébriété. Dans ce cas, pensée et action se tournent le dos, elles sont en dissonance. Le conducteur peut alors tenter de réduire celle-ci en pensant et en disant que dans cette situation il conduit plus prudemment que d’habitude, qu’il n’y avait personne sur la route quand il a repris sa voiture, etc.
La question de la dissonance cognitive peut exister dans le domaine de l’habiter et des risques qui lui sont associés. Lorsqu’on choisit son lieu de résidence, on le fait en fonction des aménités* et des risques présents à proximité. Les premiers pèsent positivement sur la décision, les seconds négativement. Par exemple, côté aménités nous avons pu choisir un logement en front de mer parce que nous aimons la vue et les activités littorales, et bien qu’il soit situé loin des commerces du centre-ville et de l’accès aux principales voies de circulation. Côté risques et nuisances, ce logement subit ceux liés à la proximité à la mer (vent fort, air salé qui attaque les peintures, submersion possible du rez-de-chaussée, etc.), mais évite ceux liés aux quartiers plus populaires et plus centraux (circulation et bruits plus intenses, insécurité ressentie…). Une fois la décision prise et installé dans notre nouveau lieu de résidence, il est possible que nous constations que nous avons sous-estimé les risques et nuisances de ce lieu de résidence et au contraire surestimé les aménités et avantages qu’il offre. Nous nous trouvons alors en situation de dissonance cognitive : notre attitude (nos desiderata en matière de logement) et en contradiction avec notre comportement (le choix effectué).
Pour échapper à cet inconfort psychologique, deux solutions sont possibles. La première, celle de déménager est évidente et serait probablement efficace, mais elle est souvent économiquement et psychologiquement coûteuse. Nous pouvons alors préférer la seconde, qui est de nous aveugler sur la situation. Mal voir les risques et nuisances de son lieu de résidence et en survaloriser les avantages et aménités constitue souvent la stratégie choisie – de manière inconsciente – pour sortir de l’état de dissonance cognitive. Parallèlement, on peut être tenté de sous-estimer les avantages propres aux autres quartiers (ceux que nous avons dédaignés) et au contraire surestimer les nuisances et risques qu’ils présentent. (cf. le concept de mistigri*)
[1] Leon Festinger, 2017 [1957], Une théorie de dissonance cognitive, Paris, Enrick B. éditions.