NIMBY est un acronyme signifiant « Not In My Back Yard » (pas dans mon arrière-cour). Le syndrome NIMBY désigne l’attitude d’habitants qui, tout en reconnaissant l’utilité générale d’un équipement, sont hostiles à son implantation près de chez eux. Ils utilisent les biens et services individuels ou collectifs fournis par les usines chimiques, les autoroutes, les antennes-relais, les lignes à haute tension, les éoliennes, les décharges et bien d’autres installations créatrices de risques et nuisances, mais estiment qu’il y a de bien meilleurs endroits pour les implanter que dans leur environnement immédiat. Les raisons données à ce refus de voir leur environnement transformé sont souvent d’ordre général et potentiellement altruistes, mais les enquêtes de terrain ont tendance à montrer que les motivations réelles sont généralement plus personnelles et égoïstes qu’elles se donnent à entendre. L’utilisation d’arguments en apparence rationnels est une façon de masquer, grâce à une « montée en généralité » du discours, la défense d’intérêts particuliers : le territoire abrite des espèces animales ou végétales rares et menacées, le paysage possède des qualités esthétiques et patrimoniales hors du commun, la communauté des habitants est fragile et menacée au moindre changement de perdre sa cohérence, ainsi de suite.
On remarque aussi que l’inquiétude autour de la valeur des biens immobiliers est souvent présente dans l’attitude des habitants qui ont une attitude Nimbyste. Les questions comme « Combien ma maison va perdre de valeur si l’on implante un ferme d’éoliennes ou une prison à proximité ? » sont récurrentes et apparaissent souvent, formulées de manière directe ou indirecte, sur les sites des associations d’opposants aux projets d’aménagement. On retrouve cette attitude de NIMBY et de défense d’intérêts personnels à proximité de nombreux sites de production d’énergie renouvelable (éoliennes on shore ou offshore, méthaniseurs « industriels » ou à la ferme, centrales solaires, etc.), de lieux d’accueil pour des populations considérées comme « marginales » ou « déviantes » (aires pour gens du voyage, foyers pour migrants…), de grandes infrastructures de transport (lignes de chemin de fer à grande vitesse, autoroutes…), etc.
De nombreux chercheurs en sciences sociales estiment néanmoins que parler de NIMBY dans ces différents cas est une façon de déconsidérer des riverains qui ne font en fait que protester contre la présence d’un nouvel équipement générateur de risques et nuisances. Ce serait les stigmatiser. Il faudrait, selon ces chercheurs, voir plutôt là une forme de mobilisation face à des logiques avec lesquelles les habitants sont en profond désaccord. Ils affirment leur opposition soit à une logique entrepreneuriale, où le but de l’implantation est d’apporter un maximum de bénéfice à l’investisseur, soit à une logique administrative, où l’on néglige par trop la concertation et qui fonctionne de façon essentiellement top down.
Il est pourtant possible de défendre l’idée – et semble-t-il avec de meilleurs arguments que ceux qui viennent d’être évoqués – que voir du nimbysme chez les riverains n’est aucunement une façon de les dénigrer, de les stigmatiser[1]. Face à un nouvel entrant qui vient perturber le territoire dans lequel ils ont pris leurs habitudes, et souvent fait l’essentiel de leur investissement immobilier, il est difficile pour les habitants d’avoir une réaction positive. Leur attitude de refus est parfaitement compréhensible, et peut même être considérée comme légitime. On peut estimer que, dans notre immense majorité, quelles que soient les convictions et valeurs que nous possédons et défendons par ailleurs, nous n’aimons pas que notre environnement vienne à être perturbé par des décisions prises par d’autres que nous. Surtout si elles y introduisent des risques et des nuisances ; ou du moins ce que nous percevons comme tel. Il n’apparait alors pas absurde d’avancer l’idée que nous sommes tous potentiellement, à un degré variable, des nimbystes, que ce sont juste les circonstances – c’est-à-dire la teneur et l’ampleur des projets d’aménagement planifiés près de chez nous –, qui font que nous le devenons ou pas.
[1] Voir Hervé Flanquart, 2020, « Nous sommes tous des nimbystes : plaidoyer pour l’utilisation de la notion d’acceptabilité sociale », Développement durable et territoires, Vol. 11, n°3 | Décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/17718 ; DOI : https://doi.org/10.4000/developpementdurable.17718