La nuisance se distingue du risque essentiellement par le fait que sa survenue ne relève pas de l’aléatoire mais de la certitude. Par ailleurs, le dommage engendré est généralement plus faible. Par exemple, résider près d’une raffinerie d’hydrocabures ou un site sidérurgique confronte l’habitant à la fois à des risques et à des nuisances. D’une part il est soumis à une probabilité non nulle – mais faible – de subir des dommages corporels et matériels suite à une explosion ou à un incendie, d’autre part il possède la certitude d’être régulièrement dérangé dans sa vie quotidienne par des fumées, poussières, odeurs et bruits. Dans le premier cas il s’agit de risques, dans le second de nuisances.

Les enquêtes de terrain montrent généralement que les habitants d’un territoire ou les usagers d’un équipement confrontés à la fois à des risques et à des nuisances ont tendance à plus focaliser sur les secondes que sur les premiers. Ainsi les automobilistes évoquent-ils plus facilement les embouteillages et la difficulté de trouver une place de stationnement que les accidents de la route, les riverains de sites Seveso les fumées, suies et nuisances sonores que les explosions et incendies, etc.  Cette attitude n’est pas illogique si l’on adopte l’angle de vision de la vie de tous les jours et de ses perturbations : le risque n’est qu’une potentialité, et parfois dotée d’une très faible probabilité, alors que la nuisance, si on prend un pas de temps suffisamment long, est une certitude. Face au risque, il est toujours possible de croire qu’il ne se concrétisera jamais, qu’on pourra y échapper ; face aux nuisances le doute n’existe pas, importantes ou pas on sait qu’elles sont et seront là, prêtes à gâcher le quotidien. Si le riverain d’un aéroport peut espérer ne jamais subir, dans sa chair ou pour ses biens, les conséquences d’un accident de décollage ou d’atterrissage, il sait en revanche qu’il ne pourra pas éviter le bruit des avions et que, même les jours d’été, il est hors de question pour lui de vivre en permanence la fenêtre grande ouverte.

Risques et nuisances ne sont pour autant pas séparés par une frontière étanche, puisque qu’être soumis sur le long terme à certaines nuisances peut entraîner des risques, essentiellement sanitaires. L’accumulation de toxines et particules dans le corps ou la permanence d’une situation de stress due à un environnement perturbant peuvent être source d’effets qui vont parfois bien au-delà de la simple gêne. Ainsi, les fumées, poussières et bruits, en plus d’impacter la vie quotidienne des riverains de routes très passantes ou d’usines polluantes, peuvent provoquer des maladies somatiques ou psychiques. Et si, dans ces cas, il s’avère possible de calculer une probabilité de survenue de la maladie et d’évaluer des dommages potentiels, alors la nuisance possède les deux caractéristiques définissant le risque et doit être traitée comme telle.